Les porte-parole du collectif Soulager mais pas tuer réunis aujourd’hui 8 avril 2021 affirment leur opposition à la proposition de loi sur l’euthanasie débattue ce jour par les députés
L’appel de Philippe Pozzo di Borgo
Un appel solennel est lancé « aux parlementaires d’aujourd’hui et de demain » par Philippe Pozzo di Borgo qui parraine ce collectif : « N’abolissez pas nos vies ! »
Tétraplégique depuis près de 30 ans, le héros du film Intouchables, appelle les parlementaires à considérer l’impact d’une légalisation de l’euthanasie sur les plus fragiles : « Ne voyez-vous pas la pression – pour ne pas dire l’oppression – qui monte quand une société rend éligibles à la mort les plus humiliés, les plus souffrants, les plus isolés, les plus défigurés, les moins résistants à la pitié des autres, et – certains le revendiquent déjà – les plus coûteux ? »
Le collectif a choisi de symboliser son émotion devant le débat qui se tient au même moment à l’Assemblée nationale avec des silhouettes réversibles représentant chacune sur une face un soignant vêtu de blanc portant la mention « Pendant qu’on se bat pour sauver des vies » et sur l’autre face un parlementaire habillé de sombre et portant une seringue à sa ceinture tricolore, avec la mention « Ils discutent euthanasie ». Une façon de dénoncer l’indécence de ce débat en pleine pandémie, alors que les Français, plongés dans l’incertitude, sont en attente d’une médecine qui leur apporte confiance et sécurité.
Pour Soulager mais pas tuer, la suppression de l’interdit de tuer dans la relation médecins-patients représenterait un basculement radical et briserait la confiance entre soignants et soignés. Ce basculement entrerait en totale contradiction avec les immenses progrès déjà réalisés en termes de lutte contre la douleur et d’accompagnement, et qui doivent se poursuivre.
Le collectif Soulager mais pas tuer demande au gouvernement :
- de mettre en œuvre sans délai le plan de développement des soins palliatifs tardivement annoncé ;
- de revenir sur sa décision de reporter sine die la loi grand âge et autonomie déjà trop attendue.
7 porte-parole, soignants et non-soignants :
- Professeur Olivier Jonquet, porte-parole de Convergence soignants soignés, réanimateur médical, professeur émérite de l’Université de Montpellier, l’un des initiateurs de l’appel contre l’euthanasie déjà signé de 1523 professionnels de la santé
- Marc-Henri d’Alès, porte-parole de 100% vivants
- Anne-Marie Trébulle, 18 ans cadre en soins palliatifs puis directrice adjointe d’un foyer d’accueil médicalisé
- Docteur Marie Vanoye, médecin généraliste
- Léopold Vanbellingen, chargé de recherche à l’Institut européen de bioéthique, spécialiste des développements des lois belges et néerlandaises
- Docteur François Bertin-Hugault, médecin hospitalier, gériatre
- Tugdual Derville, fondateur du service SOS Fin de vie animé par Alliance VITA
Le collectif Soulager mais pas tuer rend hommage aux soignant engagés contre la pandémie et demande le maintien de la position française qui écarte à la fois acharnement thérapeutique et euthanasie.
Appel de Philippe Pozzo di Borgo
Parrain du collectif Soulager mais pas tuer
et héros du film Intouchables
N’abolissez-pas nos vies !
Avec toutes les bonnes intentions du monde, à l’aide de mots apparemment incontestables comme « compassion » et « dignité », ou encore « aide à mourir », voilà qu’on veut légaliser la mise à mort de certains patients par leurs soignants, en pleine pandémie, au moment où ces mêmes soignants se battent pour sauver des vies.
Parrain et soutien du Collectif Soulager mais pas tuer, je lance aujourd’hui un appel solennel aux parlementaires d’aujourd’hui et de demain : n’abolissez-pas nos vies ! Surtout pas celles des plus fragiles. Vous ne vous rendez pas compte du désastre que provoque chez les personnes qui se débattent avec des vies difficiles votre soutien à l’euthanasie ou au suicide assisté comme des morts « libres, dignes et courageuses ». Aurais-je manqué de dignité, de courage et de liberté en restant en vie, moi l’intouchable, cent pour cent dépendant de l’aide d’autrui pour vivre et donc participer à la société ?
Plus d’un quart de siècle de tétraplégie, marqué – j’ose le dire – par autant de joies que de douleurs réelles, m’a vacciné contre le piège du mot « liberté » :
- En toute liberté, après mon accident, quand je ne voyais pas de sens à cette vie de souffrance et d’immobilité, j’aurais exigé l’euthanasie si on me l’avait proposée.
- En toute liberté, j’aurais cédé à la désespérance, si je n’avais pas lu, dans le regard de mes soignants et de mes proches, un profond respect de ma vie, dans l’état lamentable dans lequel j’étais. Leur considération fut la lumière qui m’a convaincu que ma propre dignité était intacte. Ce sont eux – et tous ceux qui m’aiment – qui m’ont donné le goût de vivre.
En réalité, affirmer qu’au menu de la vie on pourrait « choisir sa mort » est une absurdité et une violence, de même qu’il est absurde et violent d’exiger d’un soignant qu’il transgresse l’interdit de tuer. Car c’est cet interdit qui limite sa toute-puissance, nous met sur un pied d’égalité, m’autorise à exister et, si j’en éprouve le besoin, à me plaindre sans craindre d’être poussé vers la sortie.
On nous dit : « C’est un droit qu’on vous propose ; il ne vous enlève rien. » Mais si ! Ce prétendu droit m’enlève ma dignité, et tôt ou tard, me désigne la porte. Ne voyez-vous pas la pression – pour ne pas dire l’oppression – qui monte quand une société rend éligibles à la mort les plus humiliés, les plus souffrants, les plus isolés, les plus défigurés, les moins résistants à la pitié des autres, et – certains le revendiquent déjà – les plus coûteux ?
Avec mes amis de Soulager mais pas tuer, je lance cet appel solennel : le moment est à prendre soin les uns des autres, à accompagner chacun, à soulager toute douleur, peine et souffrance, à retisser des liens de solidarité avec les personnes malades, dépendantes, isolées. Le moment est plus que jamais à soulager, pas à tuer.
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