Au terme de l’examen de la loi sur la fin de vie, le collectif Soulager mais pas tuer appelle à la plus grande vigilance sur l’application d’un texte qui demeure ambigu sur ses intentions réelles.

L’instauration d’un « droit à la sédation profonde et continue jusqu’au décès » ouvre en effet la porte à des dérives euthanasiques : ses promoteurs ont multiplié les affirmations orales rassurantes, mais ils ont toujours refusé d’inscrire « noir sur blanc » dans la loi que l’intention de ce type de sédation ne doit pas être de provoquer la mort. En cautionnant ce flou délibéré, ce texte fragilise les relations entre soignants et soignés puisque la nouvelle loi ne ferme pas clairement la porte aux euthanasies cachées.

Certes, quelques ajustements positifs ont été apportés afin de limiter le risque d’une euthanasie de facilité, comme la suppression de la mention choquante « ne pas prolonger inutilement sa vie », ou la condition d’une « souffrance réfractaire aux traitements » (et pas seulement « au traitement » – au singulier – ce qui doit signifier précisément qu’on a essayé tous les autres traitements auparavant) dans le cas d’un patient en toute fin de vie. Mais de graves ambiguïtés demeurent, en particulier :

  • le critère subjectif concernant le caractère « insupportable » d’une souffrance pour les patients arrêtant délibérément un traitement nécessaire à leur vie : ce critère invérifiable est susceptible de multiples détournements au profit du suicide assisté ;
  • le manque de protection des patients inconscients et incapables de s’exprimer, avec le risque d’euthanasies masquées par arrêt d’alimentation et d’hydratation au prétexte que ces patients relèveraient d’une « obstination déraisonnable ».

Cette même ambiguïté est présente dans la manière d’aborder les directives anticipées, comme si le patient pouvait devenir son propre prescripteur au risque de faire peser une pression mortifère sur les médecins, dont la mission est de soigner et d’accompagner au mieux, selon leur compétence.

Pour Tugdual Derville, l’un des porte-parole nationaux du collectif Soulager mais pas tuer : « Notre collectif lance aujourd’hui, au niveau national et régional, un double dispositif de vigilance. Elle s’exercera d’abord sur l’application de cette nouvelle loi Fin de vie : face aux risques euthanasiques que nous avons soulignés, nous voulons protéger l’essence et l’intégrité des soins palliatifs. Les interventions de la ministre de la Santé qui parle d’une loi d’étape ou de « sédation terminale » exigent une attention particulière sur l’interprétation qui pourrait être faite de la loi.

Elle vérifiera ensuite la mise en œuvre effective du plan de développement des soins palliatifs annoncé avec trois ans de retard, et son adéquation aux besoins réels des Français. La loi sur la fin de vie, telle qu’elle est libellée, risque de générer une grave confusion entre soins palliatifs et euthanasie, au travers des protocoles de sédation terminale avec arrêt d’alimentation et d’hydratation.

Qu’une loi en vienne à ne plus assurer clairement la protection des personnes les plus fragiles nous conduit à une mobilisation accrue pour aider les personnes malades, leurs soignants et leurs proches à être protégés d’une pratique trop systématique, voire expéditive, de la sédation. »