Une commission mixte paritaire (CMP) a voté le 19 janvier un texte de compromis qui tente de concilier les avis, jusqu’ici très divergents, des deux chambres.

Pour Soulager mais pas tuer, le statut du nouveau « droit à la sédation profonde et continue jusqu’au décès » reste très ambigu, les parlementaires ayant refusé de préciser que l’intention de la sédation ne doit pas être de provoquer la mort.

Certes, quelques ajustements positifs sont à noter : la suppression, promise par Madame Touraine, de la mention choquante « ne pas prolonger inutilement la vie » était attendue ; petit progrès aussi avec la nécessité d’une « souffrance réfractaire aux traitements » (au pluriel) dans le premier cas possible de sédation, celui d’un patient en toute fin de vie, afin de limiter le risque d’une euthanasie de facilité.

Mais pour le second cas, celui qui concerne un patient arrêtant délibérément un traitement nécessaire à sa vie, le critère retenu se révèle toujours subjectif : il faut que cet arrêt délibéré « engage son pronostic vital à court terme et [soit] susceptible d’entraîner une souffrance insupportable ». L’expérience, notamment de la Belgique, montre que les expressions « court terme » et « souffrance insupportable » sont invérifiables, subjectives et susceptibles de multiples détournements au profit du suicide assisté.

Enfin, dans le troisième cas, celui d’un patient inconscient et incapable de s’exprimer, le texte ne le protège pas d’une euthanasie masquée par arrêt d’alimentation et d’hydratation au prétexte qu’ils relèveraient d’une « obstination déraisonnable ».

Au total, pour Tugdual Derville, l’un des porte-parole nationaux du collectif Soulager mais pas tuer et Délégué général d’Alliance VITA : « Alors que les députés et les sénateurs avaient voté, de part et d’autre et à une forte majorité, des versions sensiblement différentes, ce consensus au forceps confirme le flou dangereux entretenu par ce texte de loi. Malgré les commentaires de ses auteurs, rien ne nous garantit contre son détournement euthanasique, à partir du moment où les parlementaires se sont soigneusement abstenus d’inscrire « en noir sur blanc » qu’une sédation ne doit jamais intentionnellement provoquer la mort. Cette nouvelle loi est donc plus qu’inutile : elle entraînera forcément des conflits d’interprétation et des contentieux qui ne sont pas propres à renforcer la confiance entre soignants et soignés. Les promoteurs de l’euthanasie sont déjà  prêts à faire de ces conflits le support de leur revendication pour aller au-delà de ce qu’ils considèrent être une « loi-étape ».

La même ambiguïté politique s’observe dans la façon dont sont abordées les directives anticipées : on fait au patient une promesse impossible, celle d’être son propre prescripteur, tout en protégeant – et c’est légitime – le médecin qui a une compétence et une déontologie. Il y a de quoi alimenter la frustration de tous.

Synthétiser ce texte, comme l’a fait Jean Leonetti, en promettant aux Français qu’ils auront « le droit de ne pas souffrir avant de mourir » est une promesse qui relève du déclaratif politique, et non de la réalité médicale. Il faut tout faire pour soulager, sans tuer ; mais assurer à tous une ‘‘mort douce garantie’’ est à la fois angélique et mortifère. Ce n’est pas un sommeil artificiel généralisé qui peut humaniser la mort, mais la présence solidaire, la relation vraie et en conscience avec les soignants et les proches. »